Comme il se contorsionne l’arbre,
comme il va dans tous les sens,
Tout en restant immobile !
Et par là-dessus le vent essaie de
le mettre en route,
Il voudrait en faire une espèce
d’oiseau bien plus grand que nature
Parmi les autres oiseaux
Mais lui ne fait pas attention,
Il faut savoir être un arbre
pendant les quatre saisons,
Et regarder, pour mieux se taire,
Ecouter les paroles des hommes et
ne jamais répondre,
Il faut savoir être tout entier
dans une feuille
Et la voir qui s’envole.
(extrait du poème L’arbre, de Jules Supervielle)
Ce matin sans doute
Une feuille solitaire
Tombée en silence
(Haïku du poète japonais Issa)
Architecture végétale
L'homme
comme l'arbre est un être où des forces confuses viennent se tenir debout
(Gaston
Bachelard)
Suivons les
ramifications, les enchevêtrements. Suivons les lignes souples et sinueuses des
troncs qui entrelacent leurs corps de papier. Sous les lambeaux, sous les
griffures se dévoilent un cœur brun et bleu : pulsations sourdes, c’est la
chair de l’arbre qui se fendille, c’est son écorce qui palpite. Du silence des
forêts profondes monte un souffle palpable.
Le plus petit
détail envahit l’espace de la toile. Exubérante, arborescente, la nature vorace
témoigne de son horreur du vide. Comme une goutte d’encre prisonnière des
fibres, elle se diffuse, s’étend ; elle fait se mêler les branches, se
croiser les racines. Ivre de la sève puisée en son sein, elle seule peut créer
cet ordre inextricable où le regard se perd. Au loin, un chemin de lumière, ultime tentative, ultime percée pour rompre le
sortilège, fuir la densité de ces architectures inouïes.
De ces intrications végétales émergent toutes les possibilités de forme.
La matière peut s’enfler, s’élargir, devenir forêts denses, océan de verdure
ondoyante. Mais elle se mue également en fines et longues silhouettes, tendues
vers le ciel comme des bras immenses. L’arbre
n’engloutit plus seulement les nuages, il capture les reflets.
Peintre des métamorphoses, Catherine Reineke-Manry accueille la démesure
de ces arbres mutants qui se
courbent, s’enflent et se rengorgent, pleins de morgue, pour devenir plumages,
oiseaux. Et pourtant, à travers ces infinies variations autour d’un même thème,
son œil devine un fil d’Ariane :
il y soupçonne une unité secrète, un mystère tapi dans l’ombre des bois. Une
seule et même force, un seul et même élan, une unique sève parcourt les murs végétaux et les déploie au grès des
croisements. Derrière l’aléatoire des combinaisons, le peintre révèle la
puissance de croissance de l’arbre, sa Dryade : elle laisse parler la
nymphe protectrice, elle la fait vivre et mourir avec lui.
Anne-Sophie
REINEKE (janvier 2007)
« Non pas traduire l'exubérance
végétale ou s'en faire le spectateur passif et appliqué, mais la prendre de
court, la surprendre dans ses proliférants sous-entendus, en prévoir les
instables rebondissements, en déceler l'insistance prémonitoire : Catherine
Reineke-Manry ne transige pas dans sa quête picturale. Elle n'est pas témoin
mais actrice, ne relate pas mais provoque. La matière prend corps, s'anime,
réagit aux stimulations du peintre.
Peindre ? Mais c'est une danse
avec la vie, une transe née de l'urgence d'exister, une étreinte de cette
matière dont nous sommes aussi pétris, ainsi faits.
Sa peinture est un électrochoc, une
violence béante, un saisissement de l'âme. Mais aussi une déflagration sereine,
pétrifiée : une illumination, une révélation complice et suave comme une
épiphanie éblouie ».
Roland
DUCLOS
Sois donc rassuré
Les fleurs aussi qui voltigent
Prennent ce chemin (Issa)
Rester en communication avec les métaphores de la nature, en exprimer l'insondable, en donner à voir l'insoupçonnable, telle est ma recherche incessante.
Je traque les forces tapies dans les
eaux sombres, le souffle d'une douce Ophélie ; je laisse émerger des
herbes caressantes et toute une vie minuscule, enfouie au creux des espaces
aquatiques.
Ombres et reflets se succèdent et
s'entremêlent en une harmonie à la fois luxuriante et fugace.
La nature cesse d'être hostile, elle
dialogue bien au contraire avec l'esprit qui sait la comprendre.
Catherine
REINEKE-MANRY
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